Une petite entreprise tricolore peut-elle se défendre lorsqu’un concurrent utilise sa technologie sans son accord ?” ; c’était la question de François Bouchon, journaliste pour Le Figaro, qui nous avait rencontrés en 2017 après la condamnation de notre concurrent pour contrefaçon. Plusieurs longues années et beaucoup d’argent ont été nécessaires pour gagner ce bras de fer juridique, qui nous a opposés au leader mondial de notre secteur ; un effort de taille pour notre jeune PME. 

Protéger ses innovations : un passage obligé 

Protéger son savoir-faire, son identité et sa réputation est un passage obligé pour toutes les entreprises, dans un contexte de concurrence mondialisée. Au début des années 2000, riche d’une technologie innovante, nous déposions d’abord un brevet en France. Dans la foulée, nous demandions aussi un brevet européen. « La force de ce brevet est qu’il protège dans tous les pays d’Europe, au-delà même de l’Union européenne », expliquait Didier Patry, alors Directeur général de France Brevets.

Attribué par un organisme indépendant dont le sérieux a fait la réputation, ce brevet européen a été long à obtenir : plus de 13 années ont été nécessaires. Les premières années d’attente furent sans conséquence : nous nous développions à un rythme soutenu, travaillant aussi bien pour le groupe pharmaceutique Sanofi, que pour des géants des cosmétiques comme l’Oréal ou des constructeurs automobiles. “Mais en 2010, notre concurrent allemand a commencé à installer un produit copie conforme du nôtre”, explique Alain KATZ. Nous tentons d’abord une première négociation à l’amiable, finalement vaine. “Ils ont même affirmé qu’ils feraient annuler notre brevet français” confie t-il. 

Les enjeux du brevet européen  

À ce moment-là, le brevet européen n’avait toujours pas été obtenu. Guidés par un conseiller en propriété industrielle, nous nous sommes armés de patience, nous préparant à ce long chemin juridique. “Dans l’Hexagone, un juge a rarement les compétences pour régler les litiges autour des brevets, au point que, pour les avocats, se défendre devant un tribunal français revient à jouer à la loterie. À l’inverse, les jugements rendus en Allemagne, par des tribunaux composés en partie de techniciens, sont fiables et respectés. Avoir gagné outre-Rhin est même une référence dans un dossier, lorsqu’il s’agit de se défendre dans d’autres pays” expliquait François Bouchon.

En 2013, nous obtenons finalement notre brevet européen et décidons d’assigner notre concurrent devant la cour fédérale de Düsseldorf, haut-lieu des procès pour contrefaçon. Soudés et figures de proue, Alain et Thomas, père et fils, aidés d’un avocat sur place, ont multiplié les allers-retours et n’ont pas ménagé leur énergie pour remporter cette bataille juridique. “Je me souviens, un jour, nous avons eu à expliquer les dessous de notre invention à trois juges allemands. Cela a duré plus de 6 heures !” raconte Alain. 

Face à France Brevets, notre concurrent renonce 

En 2014, la cour allemande nous donne finalement raison. Notre concurrent fait appel, relançant la procédure : il tente de faire invalider le brevet français et nous attaque pour dénigrement auprès des clients français. Ce procès de la réputation, nous le gagnons. 

En Allemagne, en appel, notre concurrent, alors débouté, refuse toujours de négocier. Faudra-t-il en arriver devant la Cour suprême allemande ? “Nous n’en pouvions plus”, explique Alain. Plus de 250 000 euros de frais de justice avaient déjà été nécessaires, et cette bataille juridique compromettait sérieusement notre équilibre. C’est alors que nous demandons et obtenons l’aide de la société publique France Brevets. “Ils avaient déjà fait, et bien fait, tout le travail. Sans quoi, nous n’aurions pas pris un tel dossier car il n’y avait qu’un seul brevet. C’est trop juste pour bien se défendre”, racontait Yann Dietrich, directeur de la stratégie et du développement de France Brevets. Finalement, face à France Brevets, notre concurrent renonce et accepte la condamnation. Et le 6 décembre 2017, France Brevets annonçait la signature d’un contrat de licence avec la société Trox, sur notre  technologie brevetée Air Flow. 

 

Ainsi, en 2017, après 7 ans de bataille juridique, de nouvelles perspectives s’offrent alors à nous. Les projets jusque-là suspendus et mis en sommeil, faute de moyens et de ressources, ont été remis à l’ordre du jour. Et parmi les premiers à être réétudiés : le déménagement de notre entreprise dans le Sud-Ouest. 

 

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De la région parisienne au Sud-Ouest : le déménagement de notre PME